Vente des logements d'Icade : un rapport blanchit la SNI

rapport commandé par Jouyet…


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Cette fois-ci, André Yché va peut-être retrouver le sourire. Un rapport, diffusé mardi 15 avril, taille en pièces les critiques récemment adressées au patron de la Société nationale immobilière (SNI), le plus gros bailleur social deFrance. Ce groupe s'était vu reprocher par la Cour des comptes d'avoir lésé des organismes HLM qu'il était censé défendre, à l'occasion d'une gigantesque transaction immobilière.


Dans un rapport confidentiel révélé par Le Monde (31 janvier), la Cour avait fustigé le rôle de la SNI lors de la vente, en 2009, de quelque 35 000 logements appartenant à la foncière Icade. A la tête d'un consortium de 26 bailleurs sociaux qui s'étaient portés acquéreurs d'une partie de ces immeubles, la SNI était accusée d'avoir agi contre leur intérêt en les amenant à payer ces habitations à un prix surévalué.

Constat erroné, dit, en substance, un autre rapport remis mardi à Jean-Pierre Jouyet, quelques heures avant que celui-ci ne quitte la direction générale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) – la maison-mère de la SNI et l'actionnaire majoritaire d'Icade.

« LES PRIX NÉGOCIÉS N'APPELAIENT PAS D'OBSERVATION »
Le 12 février, M. Jouyet avait missionné deux personnalités qualifiées pour – entre autres – faire la lumière sur la cession par Icade de son patrimoine locatif. Sabine Baïetto-Beysson, inspectrice générale de l'administration dudéveloppement durable, et Pierre Hanotaux, inspecteur général des finances, ont rendu leur copie : la somme versée à Icade (1,627 milliard pour près de 25 000 logements) « paraît justifiée et raisonnable » et « ne constitue donc en rien une spoliation des acquéreurs ».

Pour étayer leur propos, Mme Baïetto-Beysson et M. Hanotaux se fondent notamment sur l'avis du service France Domaine, pour qui « les prix négociés n'appelaient pas d'observation ». Une opinion partagée par le cabinet indépendant Associés en Finance. Au final, le groupement d'organismes piloté par la SNI a obtenu une décote « significative » par rapport aux prétentions initiales d'Icade. « Rien n'accrédite la thèse que la SNI ait failli à son rôle de défendre loyalement les intérêts du consortium », concluent les deux auteurs du rapport.
Mme Baïetto-Beysson et M. Hanotaux reviennent sur un autre aspect de la controverse : le rôle joué par le cabinet juridique Weil, Gotshal & Manges, qui a épaulé la SNI dans la négociation avec Icade. L'intervention de ce conseil avait été critiquée car il avait auparavant travaillé pour la Caisse des dépôts, la maison-mère de la SNI : « Conflit d'intérêt », avait estimé la Cour des comptes.

MÉLANGE DES GENRES
En outre, certains s'étaient émus de la présence d'un des avocats de Weil, Gotshal & Manges : en l'occurrence, Frédéric Salat-Baroux, ex-secrétaire général de l'Elysée (2005-2007) et gendre de Jacques Chirac. M. Salat-Baroux avait eu comme secrétaire général adjoint à la présidence de la République Augustin de Romanet, devenu par la suite patron de la Caisse des dépôts – et qui l'était toujours lors de l'opération Icade. Bon nombre d'observateurs du monde du logement y avaient vu un mélange des genres et de petits arrangements entre amis.

Aucune des rémunérations accordées aux représentants du cabinet « ne paraît excessive », juge le rapport. « Toutefois, on peut regretter que la désignation des conseils ait été faite de gré à gré. »
En définitive, écrivent Mme Baïetto-Beysson et M. Hanotaux, « ce qui semble le plus critiquable », c'est le choix fait en 2005 par la Caisse des dépôts d'introduire en Bourse Icade, sa filiale, alors que celle-ci ne s'était pas délestée de tous ses « logements sociaux ou quasi-sociaux ». Une fois cotée, il était évident que la foncière agirait comme n'importe quelle autre société privée au moment de céder le parc locatif : en tirer le meilleur prix. La décision prise il y a neuf ans semble donc « avoir suivi plutôt une logique financière » qui consistait à « faire ressortir les plus-values latentes sur des à caractère social ». Elle a profité à la Caisse des dépôts et aux autres actionnaires d'Icade, « au détriment de tout impératif d'intérêt général ».

Des parlementaires veulent faire la lumière sur la vente du patrimoine d’Icade

LE MONDE | • Mis à jour le  | Par 

Des parlementaires de gauche veulent que la lumière soit faite sur une opération immobilière aussi controversée qu'inédite : la vente en 2009 par la société foncière Icade de son patrimoine locatif en Ile-de-France. Dans cette affaire, la Société nationale immobilière (SNI), filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), se voit reprocher d'avoir conduit des bailleurs sociaux à racheter à un prix trop élevé des logements d'Icade, elle aussi filiale de la CDC.


Après la révélation par Le Monde d'un « rapport particulier » de la Cour des comptes qui dénonçait des conflits d'intérêts dans cette transaction, des députés et sénateurs réclament la création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information parlementaire.

A l'Assemblée nationale, François Pupponi (PS, Val-d'Oise) et Jean-Luc Laurent (apparenté PS, Val-de-Marne) ont engagé une démarche dans ce sens. Le « projet de résolution » qu'ils sont en train de rédiger devra ensuiteêtre approuvé par leur groupe puis par la commission des affaires économiques pour pouvoir être éventuellement examiné en séance. Autant d'étapes qui ne seront pas franchies avant le mois d'avril, dans le meilleur des cas, puisque les deux Chambres ont suspendu une grande partie de leurs travaux en raison du scrutin municipal.
Idem au Palais du Luxembourg, où le groupe communiste a sollicité le président de la commission des affaires économiques afin que des sénateurs conduisent leurs propres investigations. Son initiative fait suite à une lettre de deux élus franciliens : Philippe Laurent, maire UDI de Sceaux (Hauts-de-Seine), et Stéphane Peu, élu PCF à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), avaient écrit, le 7 février, aux groupes parlementaires des deux Assemblées pour leurdemander de créer une commission d'enquête.

MAUVAISES LANGUES
Ce désir de transparence s'exerce sur la cession d'environ 26 000 logements d'Icade, il y a cinq ans, à un consortium de 26 bailleurs sociaux emmené par la SNI. Montant de l'opération : quelque 1,7 milliard d'euros.
Dans les négociations, la SNI était épaulée par la banque HSBC et le cabinet d'avocats d'affaires Weil, Gotshal & Manges. Or, ce dernier a été choisi dans des conditions discutables pour la Cour des comptes, car c'est, « de fait », la Caisse des dépôts, maison mère de la SNI, qui l'a désigné. En outre, la CDC avait elle-même « recours aux services de ce conseil »« Le conflit d'intérêts du côté des conseils était patent », conclut la Cour.
Comme l'a révélé Mediapart, l'un des avocats de Weil, Gotshal & Manges mobilisés sur le dossier Icade s'appelle Frédéric Salat-Baroux, ex-secrétaire général de l'Elysée (2005-2007) et gendre de Jacques Chirac. Les mauvaises langues font par ailleurs remarquer que Me Salat-Baroux avait comme secrétaire général adjoint à la présidence de la République Augustin de Romanet, qui est par la suite devenu patron de la Caisse des dépôts – et qui l'était toujours lors de l'opération Icade.

« INFORMATIONS INCOMPLÈTES »
Il n'y a pas eu le moindre conflit d'intérêts, rétorque Me Salat-Baroux. « De toute évidence, plaide-t-il, la Cour des comptes s'est fondée sur des informations manifestement incomplètes. Nous étions les conseils juridiques de la SNI puis du consortium. Nous n'étions pas les conseils de la Caisse des dépôts. » Cette mission a été assurée « dans l'intérêt exclusif » de ces deux clients « en toute liberté et indépendance », souligne-t-il.
Sous le sceau de l'anonymat, un ancien haut responsable de la CDC assure que M. de Romanet s'est « totalement déporté » de l'opération dès qu'elle a été lancée. Il n'a pas été consulté lorsque la SNI s'est adjoint les services de Me Salat-Baroux, ajoute cette même source.
A l'issue de la transaction, les bailleurs sociaux membres du consortium ont versé 6,7 millions d'euros à la SNI. Une partie de la somme a servi à rétribuerles conseils auxquels la filiale de la CDC avait fait appel. Mais un organisme HLM a refusé de payer : Créteil Habitat, qui devait environ 620 000 euros. Son responsable a jugé que la SNI ne produisait pas de justificatifs probants pourétayer sa demande d'honoraires.
Le directeur général du groupe SNI, Yves Chazelle, constate que Créteil Habitat est le seul membre du consortium à ne pas avoir réglé sa facture. En outre, précise-t-il, les montants finalement réclamés aux bailleurs correspondaient à un ratio qui a baissé par rapport à ce qui avait été prévu initialement.

Les étranges affaires du plus gros bailleur social de France

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Un vent mauvais souffle sur la Société nationale immobilière (SNI), le plus important bailleur de France. Taxée, il y a quelques jours, de népotisme pouravoir fait entrer dans son comité exécutif le fils du ministre de la défense, Thomas Le Drian, cette société d'économie mixte (SEM) est également pointée du doigt dans un « rapport particulier » de la Cour des comptes, resté confidentiel jusqu'à présent et dont Le Monde a pris connaissance.


Remis en 2013, ce document critique le rôle joué par la SNI dans une transaction probablement sans précédent : la vente en 2009 par Icade de son patrimoine locatif, soit un peu plus de 30 000 habitations. Dans cette affaire, considère la Cour, la SNI s'est retrouvée en situation de « conflit d'intérêts »et a lésé les organismes HLM qu'elle était censée épauler. La haute juridiction laisse aussi entendre que la Caisse des dépôts a une part de responsabilité dans ces dysfonctionnements.
L'opération a été baptisée « projet Twist » chez Icade. Fin 2008, cette société foncière, filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), décide de sedélester de son parc résidentiel, dont une partie a le « label » HLM pour une durée déterminée. Un consortium de 26 bailleurs sociaux, emmené par la SNI – elle aussi filiale de la CDC –, se porte alors candidat pour racheter ces immeubles, situés en Ile-de-France.
Quelques mois plus tard, l'acte de cession est signé. Le groupement d'organismes piloté par la SNI acquiert, pour 1,7 milliard d'euros, environ 26 000 logements (les quelque 5 000 restants étant cédés à d'autres bailleurs ou conservés par Icade).

JOLIS DIVIDENDES
A l'époque, la transaction mécontente plusieurs élus locaux, notamment parce qu'elle conduit le monde HLM à payer « une deuxième fois » des immeubles qui avaient été construits avec des « fonds publics ». Dans certaines communes, comme à Sceaux (Hauts-de-Seine), le prix réclamé est jugé « plus élevé que de raison », selon le maire (centriste) Philippe Laurent. Grâce à cette gigantesque partie de Monopoly, des dirigeants d'Icade, titulaires de stock-options, et les actionnaires de la société vont empocher de jolis dividendes, s'indigne Stéphane Peu, adjoint au maire (PCF) de Saint-Denis.
Quatre ans plus tard, certaines de ces critiques figurent dans le rapport de la Cour des comptes. Pour elle, le projet Twist s'est mis en place dans un entre-soi très discutable. Pourquoi ? Parce que la Caisse des dépôts avait unpouvoir d'influence sur le vendeur et sur l'acheteur. Actionnaire principale d'Icade, elle avait un intérêt « évidemment identique » à celui de sa filiale :vendre au prix le plus élevé possible de manière à augmenter les bénéfices donc les dividendes accordés aux détenteurs de parts d'Icade.
La SNI, elle, poursuivait l'objectif inverse, en principe, mais son action pouvaitêtre infléchie par la Caisse des dépôts « dans un sens favorable », puisqu'elle détient la quasi-totalité du capital social de la SNI. Cette dernière était donc « de manière patente, en situation, sinon de conflit d'intérêts, du moins de conflit de mission ».
La Cour s'étonne également que le « conseil » de la SNI dans cette transaction ait, « de fait », été désigné par la Caisse des dépôts, alors même que celle-ci avait recours à lui. « Le conflit d'intérêts du côté du conseil était patent », estiment les auteurs du rapport, sans divulguer son nom.

« REFUS D'ACHETER »
En tant que patron du consortium, la SNI « aurait dû s'attacher » à défendre en priorité les intérêts de ses mandants, qui lui ont d'ailleurs versé des« honoraires » pour cela : 6,7 millions d'euros TTC, précise le rapport. Mais en réalité, elle a fait en sorte qu'Icade obtienne « un prix conforme à ses attentes ». Le niveau « plutôt soutenu » des prétentions du vendeur est, du reste, attesté « par le refus d'acheter de certaines communes » – celle de Sceaux, notamment.
Le contexte était pourtant très favorable aux candidats à l'achat. A l'époque, sous l'effet de la crise financière, les cours de l'immobilier s'étaient affaissés, ce « qui aurait dû renforcer la main du consortium face à Icade », pointe la Cour. Et d'ajouter : « La SNI aurait dû (…) insister pour l'adoption de prix de référence plus bas ». Une observation qui sous-entend qu'elle ne l'a pas fait, aux yeux des magistrats de la rue Cambon.
Le rapport reconnaît que ses conclusions ne sont pas partagées par France Domaine : chargé de vérifier si l'addition n'était pas trop salée, ce service de l'Etat a jugé qu'à quelques exceptions près, aucun acheteur n'avait payé « de prix excessif pour ses acquisitions prises globalement ». Cependant, pondère la Cour, ces avis « ont été rendus sur dossiers, évidemment fournis par Icade », ce qui relativise, selon elle, leur justesse.
Enfin, le groupe SNI a su mieux tirer son épingle du jeu que les autres organismes : sur les biens qu'il a acquis, il a bénéficié d'« une décote supérieure à celle consentie en moyenne au consortium ».

« NOUS N'AVONS PAS GAGNÉ D'ARGENT »
Affirmation infondée, rétorque Yves Chazelle, le directeur général du groupe. D'après lui, les patrimoines mis en vente ne sont pas comparables entre eux car il faut tenir compte de leur localisation, de leur état général, etc. De même, il est faux selon lui de soutenir que les 26 bailleurs affiliés au consortium ont réalisé une mauvaise affaire : « Le prix auquel les 26 000 logements ont été cédés était inférieur en moyenne de 15 % à l'actif net réévalué , une notion que les experts utilisent pour déterminer la valeur d'un bien, explique M. Chazelle. En revanche, les quelques bailleurs extérieurs au consortium qui ont acheté des habitations à Icade ont déboursé des montants supérieurs de 10 % à l'ANR. »

S'agissant des 6,7 millions d'euros payés par les organismes HLM à la SNI, une partie de la somme a servi à rétribuer les banquiers d'affaires et les avocats qui sont intervenus dans le dossier, indique M. Chazelle. Le solde a « couvert les frais engagés par le groupe »« Nous n'avons pas gagné d'argent », assure le directeur général.
Quant au soupçon de conflit d'intérêts, il ne repose sur rien de tangible, déclare M. Chazelle : « La Caisse des dépôts est restée en dehors de la négociation avec Icade et nous n'avons pas agi sur ordre de notre actionnaire. La seule instruction que nous ayons reçue visait à plafonner le nombre de logements que nous pouvions acquérir à l'occasion de cette opération. »
Le directeur général conteste aussi l'idée selon laquelle le conseil que la SNI a pris dans les tractations avec Icade avait déjà été sollicité par la CDC.

Sollicitée par Le Monde, la direction de la Caisse des dépôts réfute, elle aussi, l'existence d'un conflit d'intérêts. Un porte-parole fait valoir qu'elle « n'a joué qu'un rôle de supervision d'ensemble » et qu'elle ne s'est jamais immiscée dans les pourparlers entre le vendeur et l'acquéreur : « Elle s'est abstenue lors des réunions du conseil d'administration d'Icade et du conseil de surveillance de la SNI. » En outre, poursuit-il, les bailleurs membres du consortium se sont déclarés « très satisfaits de l'opération ».



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