Enquête Secours catho : les communes les plus riches moins investies contre la précarité

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07/02/2014
Le Secours Catholique a interrogé les municipalités d’Île-de-France de plus de 10 000 habitants (hors Paris) afin de prendre la mesure de leur action dans le domaine social. Cette enquête met à jour une disparité très forte selon les communes dans la prise en compte des pauvretés et de leur traitement ; et une forme inquiétante d’abandon dans l’accueil des personnes pauvres en errance par les communes riches aux municipalités déjà les plus en prise avec la misère, comme l’explique Hervé du Souich, président régional du Secours Catholique.

D’où est venue l’idée d’une enquête auprès des municipalités d’Île-de-France ?

Nous avons eu envie, avec les présidents et délégués des délégations du Secours Catholique d’Île-de-France, d’avoir un outil de mesure de la solidarité sur notre territoire. Nous voulions observer les réponses à la pauvreté et la répartition de celles-ci pour pouvoir agir localement [1].
Que montre l’enquête sur la prise en charge de la pauvreté dans les communes ?
On observe que ce sont les communes les plus pauvres à qui on demande de porter le fardeau de la pauvreté. Cela ressemble à un pléonasme, mais cela montre surtout un manque de solidarité intercommunal fort. En effet, en règle générale, les communes font des efforts pour s’occuper des personnes de leur territoire. Mais en ce qui concerne la pauvreté liée géographiquement à aucun lieu, c’est-à-dire l’errance, les demandeurs d’asile ou les migrants, seules les communes les plus pauvres sont engagées véritablement dans le développement de structures d’accueil.
La domiciliation et l’hébergement sont très significatifs de cette réalité : alors que toutes les municipalités devraient proposer au moins une place d’hébergement pour 2 000 habitants, certaines concentrent ces logements et d’autres n’en ont aucun.
Or, quand la pauvreté va à la pauvreté, on crée ainsi des ghettos… Cet « égoïsme » communal est dangereux à terme, car la solidarité entre les territoires est le seul moyen de lutter durablement contre la pauvreté.
Que révèle l’enquête sur les politiques publiques d’action sociale ?
On note que très peu de communes font une analyse des besoins sociaux. Non seulement c’est obligatoire depuis 1995, mais en plus cela donne les moyens de mener à bien les politiques publiques d’action sociale. En connaissant les formes de pauvreté de son territoire, on peut apporter une réponse adéquate. Cette analyse n’a pas besoin d’être de grande ampleur : on peut en faire une à partir des chiffres du Centre communal d’action sociale, des données des associations et celles de l’Insee… Pour la plupart, les informations sont faciles à trouver, mais cela demande en effet un effort pour les collecter et les analyser.
Le tableau de bord annuel ainsi réalisé permet de voir les tendances de l’action sociale. Toutes les municipalités qui ont franchi le pas sont unanimes : elles ne se voient pas revenir en arrière. L’une d’entre elles nous a même dit : « Je structure mon budget au regard de mon analyse des besoins sociaux. Je mesure ainsi le poids des pauvretés et j’oriente les choix non pas en fonction des desiderata et des a priori, mais de la réalité du terrain. »
Quelle mesure demandez-vous aux futurs maires d’intégrer absolument dans leur programme ?
En Île-de-France, nous avons un gros problème à propos du logement très social. Dans la loi, les logements sociaux sont obligatoires, ce que les communes franciliennes respectent plus ou moins, mais rien n’est spécifié sur l’accès pour les ménages à très bas revenus à ces logements sociaux. Certains peuvent être loués 800 euros par mois, ce qui demande un revenu de 2 400 euros : impossible pour les personnes les plus pauvres.
Il est donc impératif de développer des Prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) et de prévoir aussi des logements pour ces ménages.
Car, si chaque commune ne prend pas en compte ces situations – tout comme si elles n’organisent pas la solidarité pour les personnes errantes – ces populations seront rejetées « à la périphérie » de nos villes, comme dirait le pape François.

Propos recueillis par Sophie Lebrun

Notes

[1] Plusieurs délégations du Secours Catholique ont déjà commencé leur campagne autour des élections municipales, à l’instar des Hauts-de-Seine avec la démarche « L’indifférence, pas de ça chez nous ! » Tout le Secours Catholique se mobilisera dès la mi-février pour une campagne sous le signe de la fraternité alors que les débats s’annoncent houleux autour de l’accueil de l’Autre.

Documents joints

avec AFP- Selon une enquête du Secours catholique, 85% des communes interrogées ont moins de 10% de logements «très» sociaux...

Près de 80% des communes de la région parisienne de plus de 10.000 habitants n'ont pas de place d'hébergement pour les plus pauvres, souligne dans une enquête publiée mercredi le Secours catholique, qui s'inquiète d'un phénomène de «ghettoïsation».
L'association a mené cette enquête au cours du dernier trimestre de l'année 2013, envoyant à 210 communes de plus de 10.000 habitants d'Ile-de-France, hors Paris, un questionnaire sur leur politique sociale.«On laisse aux communes disposant des plus maigres ressources le soin de prendre en charge les personnes les plus fragiles», dénonce le Secours catholique.

L'accès au logement social est dans une «situation catastrophique»: 85% des communes interrogées ont moins de 10% de logements «très» sociaux, destinés aux personnes en très grande difficulté.Bien que pauvres, les villes de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), Villetaneuse et Montfermeil (toutes deux en Seine-Saint-Denis) sont les plus engagées en termes de logement social. En revanche, Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), Vaucresson (Yvelines) et Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), trois communes aisées, se trouvent en bas du classement.
37.000 ménages Dalo en attente d'un relogement

Près de 37.000 ménages reconnus prioritaires pour un logement (Dalo), soit 75 % du total national, restent en attente de relogement en région parisienne, et ce depuis des années pour certains d'entre eux. Le taux de relogement Dalo se dégrade considérablement, puisqu'il ne concerne que 30% des personnes ayant exercé un recours contre 79% il y a cinq ans.
On retrouve des écarts encore plus considérables pour ce qui concerne la domiciliation (adresse fournie à des personnes sans domicile) d'une commune à l'autre avec cette fois un rapport qui va de 1 à 200. Ce phénomène contribue au regroupement des pauvres dans les communes les plus accueillantes, et «à la ghettoïsation des populations», souligne l'enquête.«Il n'y a pas de SDF chez nous, donc la commune n'a jamais été sollicitée. La ville ne domicilie pas», témoigne ainsi une des communes les moins bien classées. En Ile-de-France, plus de 80.000 personnes sans toit avaient besoin d'être domiciliées en 2010, selon une enquête réalisée à l'époque par la région.
Les situations de mal-logement se sont encore aggravées en 2013, rapportait vendredi la Fondation Abbé Pierre.
Au niveau national, elle estime à 3,5 millions le nombre des personnes confrontées au mal-logement, et à plus de 10 millions celui des personnes touchées par la crise du logement.

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