Loi Duflot : la note qui embarrasse Matignon

Le Conseil d'analyse économique, rattaché à Matignon, critique dans une note remise mercredi l'encadrement des loyers prévu par la loi Duflot. Au ministère du Logement, on glisse que les deux auteurs sont d'inspiration "ultra-libérale", tandis que l’entourage de Jean-Marc Ayrault rappelle que la note "n'engage pas le Premier ministre".
Vivien Vergnaud (et G.V.) - leJDD.fr
jeudi 24 octobre 2013
Matignon et le ministère du Logement ont vivement réagi à la publication d'une note du Conseil d'analyse économique (CAE). Pour cause, le document traite d'un des projets de loi les plus emblématiques du gouvernement, le texte défendu par Cécile Duflot et qui instaure l'encadrement des loyers. Et le fait que le CAE, un service sous l'autorité de Matignon chargé d'éclairer le Premier ministre sur les sujets économiques, critique "tel qu'il est envisagé" le projet de loi pour l'Accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) ne passe pas. L’entourage de Jean-Marc Ayrault a ainsi rappelé auprès du JDD.fr que la note "n'engage pas le Premier ministre".
"Il ne s'agit pas d'un rapport", insiste-t-on avant de préciser : "Le diagnostic général est partagé, mais pas le détail des préconisations." En clair, la position du Premier ministre ne sera pas influencé par les conclusions de la note. Celle-ci est en effet sans concessions. Le CAE, ayant listé "dix propositions pour une politique du logement plus efficace en France", estime que la loi Duflot "risque d'engendrer des inefficacités dans le parc locatif privé".

"Ultra-libéraux"

"Avant toute généralisation, il serait indispensable de procéder à une expérimentation préalable dans des zones pilotes", écrit encore le CAE. "A l'heure actuelle, il est très difficile de tenir compte de toutes les caractéristiques d'un logement pour calculer sa valeur de marché, car les données disponibles ne sont pas assez étoffées", même à Paris où existent les chiffres collectés par l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (Olap), a précisé à l'AFP l'économiste Alain Trannoy, co-auteur de la note du CAE. "On risque de désorganiser le marché", a-t-il estimé.
Placé auprès du Premier ministre, avec pour mission d'éclairer les choix du gouvernement en matière économique, le CAE est composé d'économistes universitaires et de chercheurs. Mais cet avis intervient au mauvais moment. Le projet de loi, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, est en ce moment même débattu au Sénat. Au cabinet de la ministre du Logement, on indique au JDD.fr que le "timing" de la note n'est pas anodin. "On a l'habitude de ces envolées" de la part des deux auteurs, qualifiés d'"ultra-libéraux". Leur note est, continue cette source, "déconnectée du marché et de la culture française, encore plus de ceux en Ile-de-France".

Car le CAE a ses idées pour limiter la hausse des loyers. Les chercheurs et universitaires proposent, pour trancher les contentieux entre bailleurs et locataires, de mettre en place une "régie du logement" qui exercerait une gestion "paritaire du logement locatif", sur le modèle des tribunaux de prud'hommes, et serait financée par un prélèvement sur les loyers. Le CAE suggère "d'intégrer les aides au logement au dispositif de l'impôt sur le revenu" : les ménages imposés pourraient déduire leur loyer de leur revenu imposable, "dans la limite d'un plafond pouvant dépendre de la taille familiale". Les ménages non imposés, eux, verraient l'aide au logement qu'ils perçoivent transformées en "impôt négatif": ils recevraient un chèque, se substituant à l'allocation.
Le CAE préconise par ailleurs d'"assouplir les règles" en matière de baux (avec une durée variable, et le droit de donner congé au locataire en cas de dégradations graves), de mettre en place des guichets uniques intercommunaux pour l'attribution de logements sociaux ou des "surloyers" en fonction du revenu ou "de la durée de l'occupation" d'un logement social.

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