L'ANRU nouveau arrive : du PPP dans le logement…

à lire ci-dessous un dossier des Échos sur le projet de loi pour la politique de la ville

 Le « nouveau programme national de renouvellement urbain » prendra la suite du Programme national de rénovation urbaine mis en place en 2003 : même pas de changement dans le sigle…

Virage social pour la politique de la ville


Par Catherine Sabbah | 31/10 | 13 Les Echos

La nouvelle loi sur la politique de la ville modifie la géographie prioritaire des quartiers aidés.
L'Anru pourra intervenir par prise de participation, et non plus uniquement par subvention.

L

Même les députés ont un peu de mal à s'y retrouver. Après la loi Alur, arrive, courant novembre, à l'Assemblée nationale, le projet de loi de programmation pour la ville et à la cohésion urbaine, porté par le ministre François Lamy. Le texte vise à lancer un « nouveau programme national de renouvellement urbain », qui prendra la suite du Programme national de rénovation urbaine mis en place en 2003 par Jean Louis Borloo, alors ministre délégué à la Ville et à la Rénovation urbaine. La subtile différence de vocabulaire permet presque de conserver le même sigle, PNRU, tout en modifiant le texte. Le premier programme de 12,350 milliards d'euros de subventions - dont la moitié a été dépensé - doit permettre à terme de générer quelque 45 milliards d'investissement dans les banlieues. Pour le second, l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) compte sur 5 milliards d'euros d'argent public (financés par Action Logement, la taxe sur les plus-values immobilières et la Caisse de garantie du logement locatif social), et un effet de levier qui devrait multiplier cette somme par quatre.

Quoi de neuf dans ce second texte ? « Poser la question, c'est y répondre », observe un expert de la politique de la ville. Le projet de loi reprend dans les mêmes termes les mêmes objectifs que le précédent et les principales différences seront précisées par décret. « Tout devrait être prêt pour juin 2014, après les élections, afin que les élus puissent lancer les opérations dès le début de leur mandat », précise le cabinet de François Lamy. « Le changement est profond, analyse Renaud Epstein, maître de conférences en sciences politiques à l'université de Nantes. Depuis dix-huit mois, les quartiers de la politique de la ville sont présentés comme un potentiel et non plus comme une menace. Autre changement, la fin d'une illusion entretenue depuis des décennies qui consistait à croire que l'on pouvait changer la vie des habitants par la seule transformation urbaine. » « Le nouveau programme intègre aussi à la politique de la ville l'école, la sécurité, la lutte contre la délinquance et d'autres modes d'actions »,confirme Michel Destot, le maire de Grenoble et président de l'Association des maires des grandes villes de France.
Comment, avec moins d'argent public, apporter des remèdes à tous ces maux ? Et répondre aux critiques de la Cour des comptes sur la dispersion et l'inadaptation des moyens ? En évitant le saupoudrage. En recentrant les interventions de l'Anru sur les quartiers qui en ont vraiment besoin. De 490, le nombre de quartiers éligibles aux subsides de l'Anru devrait passer à 230. Ils seront choisis en fonction d'un seul critère : le revenu de leurs habitants, comparé à celui des ménages vivant en coeur d'agglomération. Cette seule donnée risque paradoxalement de concerner, en plus des grands quartiers sociaux, traditionnelles cibles de la politique de la ville, des zones pavillonnaires et des copropriétés dégradées, où il est plus compliqué d'intervenir. Prudent, le ministre a prévu de détailler cette nouvelle géographie prioritaire après les élections municipales.

Associer capitaux privés et publics

L'autre changement, de taille, concerne le mode d'intervention de l'Anru. La formulation d'une disposition de l'article 2 du projet de loi intrigue les experts qui l'ont remarquée : si le texte est voté, l'Anru y sera autorisée à créer, acquérir et céder des filiales ou des participations dans des sociétés susceptibles d'intervenir dans les quartiers. L'idée est d'accélérer l'arrivée d'investisseurs privés dans des zones où ils n'iraient pas seuls. Et où, malgré la rénovation urbaine, ils n'ont pas trouvé intéressant de lancer des projets. L'ingénierie financière, qui leur assurerait des retours sur investissement corrects ou garantirait leur capital, reste à mettre au point. Mais l'esprit est là. L'Anru pourrait donc être partenaire de sociétés d'économie mixte, de promoteurs ou de foncières propriétaires d'immeubles. « Dès lors qu'un investisseur table sur une rentabilité financière, la participation en capital est plus adaptée que la subvention », précise le cabinet de François Lamy, en énumérant les domaines d'intervention possibles : activités commerciales, immobilier d'entreprise, logement libre. Si le terme de partenariat public-privé n'est pas prononcé car il a mauvaise presse au gouvernement, l'idée est bien d'associer des capitaux privés et publics et d'en partager les profits. Ces investissements ne seront pas ponctionnés sur les 5 milliards de dotation de l'Anru et ne « mordront » pas sur ses montages classiques avec les collectivités. Les 250 millions d'euros destinés à ces expériences seront financés par le programme d'investissements d'avenir.
Catherine Sabbah

Un résultat mitigé

Par Catherine Sabbah | 31/10 | 

Les évaluations de la politique de la ville témoignent plus des problèmes que des progrès. Mais les observatoires utilisent-ils les bons outils ?


L'exposé des motifs du projet de loi sur la ville et la cohésion urbaine donne le ton. Il reprend les critiques de différents rapports publics sur l'évaluation de la politique de la ville afin de justifier l'orientation du nouveau texte. De fait, « le taux de pauvreté dans les zones urbaines sensibles (ZUS) est près de trois fois plus élevé que dans les autres territoires, le taux de chômage y est près de deux fois et demie supérieur, leurs habitants se déclarent en moins bonne santé et rencontrent plus souvent des difficultés dans l'accès aux soins et les élèves issus des collèges de ces quartiers restent plus souvent que les autres orientés vers les filières courtes », peut-on lire. Après une trentaine d'années de tentatives de sauvetage de ses quartiers, il est difficile d'accuser tel ou tel gouvernement d'avoir peu ou mal orienté les subsides publics. La responsabilité est globale et plutôt globalement assumée.

Des effets difficilement mesurables

La difficulté à mesurer les effets de la politique de la ville tient aussi au fait que les observatoires s'intéressent aux quartiers et non aux mouvements de leurs habitants.« Il y a toujours des pauvres aux mêmes endroits, mais est-ce que ce sont les mêmes ? », interroge un observateur. Le « quartier » est-il une nasse ou au contraire un sas, par lequel passe une partie de la population pour accéder à des conditions de vie meilleures ? Les cohortes suivies par l'Observatoire national des zones urbaines sensibles le sont depuis trop peu de temps pour un résultat concluant sur ce sujet.« L'objectif réaffirmé par la loi Borloo de 2003 de changer la sociologie de ces quartiers n'a en tout cas pas été atteint », confirme Renaud Epstein, professeur de sciences politiques à l'université de Nantes. Même si dans de nombreuses villes, le regard sur ces zones urbaines sensibles a changé, de l'intérieur comme de l'extérieur.

Des acteurs privés allergiques au risque

Par Catherine Sabbah | 31/10 | 

Faute de demande de logements et par aversion au risque, les promoteurs construisent en zone Anru des immeubles revendus en Vefa aux bailleurs sociaux, mais ne risquent pas leurs propres deniers.


Faute de demande de logements et par aversion au risque, les promoteurs construisent en zone Anru des immeubles revendus en Vefa aux bailleurs sociaux, mais ne risquent pas leurs propres deniers.
Le programme national de rénovation urbaine, PNRU, lancé en 2003 avec une subvention initiale de 2,5 milliards d'euros (augmentée progressivement jusqu'à 12,350) a permis de démolir, reconstruire et rénover 1 million de logements. Moins de 10 %, 90.000 à peine, des constructions déjà livrées ou programmées sont des logements privés, vendus en accession par des promoteurs ou mis en location par la Foncière. Dans le quartier du Noyer Doré à Antony dans les Hauts-de-Seine, l'opération de transformation lancée en 2003 s'est achevée en 2011 et son aménageur, la SEM 92, la juge exemplaire. « Nous avons racheté des terrains à des bailleurs sociaux et proposé des droits à construire à des promoteurs privés. Ils sont venus », explique Hervé Gay, son directeur général. Pourquoi Sefricime, Kaufman & Broad et BNP Paribas Immobilier ont-ils franchi le pas, et osé construire, non pas dans le périmètre du quartier, mais au coeur de la zone Anru ? « Nous avons rénové les espaces publics en apportant la même qualité qu'en centre-ville, des bordures de trottoir en granite, de beaux luminaires, poursuit Hervé Gay. Nous avons installé un bel espace sportif et une médiathèque destinés à d'autres habitants que ceux du quartier. » Autre avantage, la gare de RER B toute proche et le marché francilien tendu. Plus de cinq ans après la livraison de ces logements privés, la ville qui les regarde de près n'a pas noté de turn-over rapide de leurs habitants venus plutôt de l'extérieur que de l'intérieur du quartier, attirés par les prix bas. L'école désertée par les classes moyennes s'est repeuplée. Ce genre de réussite n'est pas si fréquent. Les promoteurs construisent en zone Anru des immeubles revendus en Vefa aux bailleurs sociaux, mais ne risquent pas leurs propres deniers, faute d'une demande de logements et par aversion au risque. Les immeubles destinés au bureau ou à l'activité sont encore plus rares. « Nous pouvons accepter de prendre des risques à condition de pouvoir envisager une fin possible, pas dans vingt ans, mais plutôt dans cinq », explique un promoteur. Ils sont plusieurs à envisager un avenir pour la promotion immobilière dans les « quartiers Anru », à condition d'être engagés aux côtés s d'une collectivité avec un plan d'urbanisme et un échéancier précis. « Le privé viendra s'il est certain que le public tiendra ses engagements, dans les temps », poursuit un autre opérateur. Apparemment ce n'est pas encore le cas.

C. S., Les Echos

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire