Loyers parisiens, la hausse continue

ENQUÊTE Selon une étude, le «saut à la relocation» a été en 2012 de 6 % intramuros et de 5 % dans l’agglomération. Une surenchère qui nuirait à la compétitivité de l’économie de la région.

Sur l’encadrement des loyers, le changement promis par la gauche ne se fait toujours pas sentir. Le décret de blocage des loyers à la relocation, pris par le gouvernement le 1er août 2012, ne semble d’aucune efficacité. Ainsi l’an dernier, les bailleurs de la région Ile-de-France ont continué à profiter des déménagements pour augmenter encore leurs loyers lors d’un changement de locataire. A la relocation, la hausse a été en moyenne de 6 % à Paris et de 5 % dans l’agglomération, selon une étude provisoire de l’Olap (Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne).
«Le "saut à la relocation" […] enregistré entre l’ancien et le nouveau loyer des logements ayant vu arriver un nouvel occupant en 2012 reste à un niveau élevé […] bien que le plus faible depuis 2002»,constate laconiquement l’étude.
Cela ne surprend guère les associations de locataires. «Ces chiffres montrent que ce décret a peu d’effet, parce qu’il comporte des failles permettant aux bailleurs d’échapper au blocage», souligne Eddie Jacquemart, le président de la Confédération nationale du logement (CNL). D’abord, le texte n’est entré en application que le 1er août 2012. Pendant les sept premiers mois de l’année dernière, les propriétaires ont donc pu continuer à augmenter leurs tarifs à leur guise. «Mais il y a bien d’autres échappatoires, pointe encore Eddie Jacquemart. Il n’y a aucun contrôle : le nouveau locataire ne sait pas quel loyer payait son prédécesseur. Donc certains propriétaires continuent à faire ce qu’ils veulent.»
Voisinage. Enfin, le décret permet également aux bailleurs de s’affranchir du blocage «si leur loyer est inférieur à ceux du voisinage pour des logements comparables ou s’ils réalisent des travaux d’amélioration du logement». Ce décret finalement assez peu contraignant a été pris en vertu d’une loi datant de 1989 régissant les rapports locatifs. Pour un blocage plus musclé, il aurait fallu voter dès l’été un nouveau texte au Parlement. En attendant, la surenchère des loyers franciliens lamine le budget des familles, d’autant qu’en 2012 les Français ont essuyé une perte du pouvoir d’achat de 0,9 %, dans une économie en récession, a révélé cette semaine l’Insee. Les salariés, les ménages, les entreprises encaissent de plein fouet les effets de la crise. Tandis que les rentiers – parmi lesquels figurent les propriétaires de logements locatifs privés d’Ile-de-France – tirent leur épingle du jeu. Ne déviant pas de leur stratégie du «toujours plus», en dépit d’une situation économique dégradée. Ainsi, en 2012, les loyers de l’agglomération parisienne ont crû en moyenne de 2,7 % pour l’ensemble des locataires (entrants et anciens). Et de 1,6 % dans 11 grandes agglomérations de province.
Corrélation. L’ Ile-de-France figure parmi les régions les plus chères d’Europe pour se loger. Les prix y sont notamment beaucoup plus élevés que dans les grandes villes allemandes. Cette situation nuit à la compétitivité de l’économie francilienne : pour que leurs employés puissent se loger, les entreprises sont obligées de pratiquer des salaires plus élevés qu’ailleurs. Un rapport, annexé au projet de loi de finances pour 2013, rend compte d’études montrant, dans la zone euro, une corrélation entre la progression des coûts du logement et celle des coûts salariaux au cours de la décennie 2000-2010. Quand l’immobilier monte, les salaires doivent monter aussi.
La mobilité des salariés se trouve aussi touchée : des emplois sont refusés faute, pour ceux qui postulent, de trouver à proximité un logement à un prix accessible. Cette situation alimente enfin le malaise social. En dépit de revenus supérieurs à la moyenne nationale, les ménages de la région capitale peinent à boucler leurs fins de mois, y compris les couches moyennes. Leur pouvoir d’achat est amputé par la dérive des loyers. Certains, notamment les personnes vivant seules, consacrent plus de la moitié de leur budget pour se loger (lire notre témoignage).
Il est vrai que, pour les familles, les prix sont au zénith. «A Paris, les locations de 2012 se sont conclues à un loyer moyen de 24,2 euros/m²», indique l’étude de l’Olap. Autrement dit, il faut compter souvent au moins 1 000 euros par mois pour un deux pièces, et 2 000 euros pour qu’une famille avec des enfants puisse se loger dans un appartement de 80 m². Ce qui correspond à la moitié du budget d’un ménage disposant d’un revenu a priori confortable de 4 000 euros.«Les pouvoirs publics n’ont absolument pas pris la mesure des efforts financiers et même des souffrances sociales que génèrent ces loyers élevés chez les ménages modestes et moyens», dénonce Michel Fréchet, le président de la CGL, la confédération générale du logement (CGL), autre grande association de locataires.
Référence. Au ministère du Logement, on a conscience des insuffisances du décret du 1er août 2012. Concocté par les services de Cécile Duflot, le projet de loi relatif à l’habitat, qui doit être présenté en Conseil des ministres avant l’été, prévoit de mettre en place un encadrement des loyers nettement plus contraignant, avec des prix de référence, ville par ville et quartier par quartier à ne pas dépasser. Mais il ne sera pas voté au Parlement avant fin 2013. Pour une application – et un effet sur le pouvoir d’achat – à partir de 2014.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire